Laine, paré au décollage
Il est présenté comme l’un des plus grands espoirs de sa génération. A tout juste 18 ans, Patrik Laine va découvrir le monde de la NHL sous les couleurs des Winnipeg Jets. Ce jeune garçon débarque en Amérique du Nord avec une confiance débordante couplée d’un potentiel laissant rêveur. Un phénomène est en approche, vous aurez été prévenus !
Du haut de son mètre 93, avec son visage d’adolescent boutonneux, sa dégaine décontractée et son franc-parler, Patrik Laine croque la vie à pleines dents. Pourtant, alors que de nombreux jeunes de son âge s’apprêtent à goûter aux joies de la vie universitaire, le Finlandais va, lui, s’attaquer à un défi d’un tout autre genre : la conquête de la NHL. Inconnu du grand public il y a encore un an, le blondinet a littéralement explosé en quelques mois. Après avoir propulsé la sélection nationale vers l’or chez les U18, il a remporté la Liiga avec le Tappara Tampere en étant élu MVP des play-offs, concluant sa saison ébouriffante par une médaille d’argent aux Mondiaux A et un titre de meilleur joueur du tournoi à la clé ! Ces performances paranormales ont évidemment attiré l’attention des recruteurs nord-américains et, au petit jeu de la Draft, ce sont les Jets de Winnipeg qui sont parvenus à enrôler le joyau en le sélectionnant au 2e rang.
Talent brut et précoce
« Vous l’avez vu, un jeune garçon de 18 ans qui affronte des hommes et qui fait ce qu’il a fait… Je ne me souviens pas avoir déjà vu quelque chose de semblable. Teemu est une personne spéciale, qui a beaucoup de charisme et pas seulement sur la glace. Mais Laine… Ce n’est pas la même chose ». Le compliment pèse lourd et vient de la bouche de Jarmo Kekalainen, un GM des Colombus Blue Jackets manifestement subjugué par les prouesses de son compatriote lors des derniers championnats du monde. Inévitablement, les comparaisons avec l’icône Selanne viennent à l’esprit. Et beaucoup, au pays, veulent voir en Laine l’élu, le successeur attendu de l’illustre « Finnish Flash ».
Attiré par le poste de gardien à ses débuts, Patrik Laine, sur les conseils de son père, délaisse finalement les cages à 12 ans, pour mieux les faire trembler. Pouvant passer des heures à parfaire sa précision en pulvérisant des canettes, il façonne ce qui va devenir son arme ultime, un tir « qui n’est pas de ce monde », ainsi que le décrivait récemment un journaliste suomi. N’hésitant pas à user de son grand gabarit pour aller au contact, doté d’une excellente vision en zone offensive et sniper létal sur le point d’engagement côté gauche, il dévoile un arsenal qui n’est pas sans rappeler celui d’Alexander Ovechkin, la star russe qu’il a érigée au rang de modèle. Et s’il doit encore travailler son patinage et son jeu défensif, Laine possède tous les atouts pour avoir un impact immédiat dans la cour des grands, ce dont il est intimement convaincu.
« Je peux devenir le meilleur joueur de la NHL »
Le jeune homme n’est, en effet, pas réputé pour manier la langue de bois. A l’aise face aux énormes attentes qu’il suscite, conscient de ses capacités, il affiche son ambition au grand jour et place la barre haut, très haut : « Je pense que je peux devenir un jour le meilleur joueur de la NHL. Peut-être que d’autres sont bons dans différents aspects du jeu mais n’excellent pas forcément dans l’un d’eux. Ce qui est, je crois, mon cas », déclamait-il ainsi peu avant la Draft en évoquant ses pouvoirs de finisseur. Ces propos peuvent suggérer une certaine arrogance mais il ne faut toutefois pas se méprendre sur la véritable personnalité du garçon.
Maniant avec brio un humour pince-sans-rire (« Je ne souhaite pas passer au centre car je serais alors obligé de défendre ») qui a d’emblée enthousiasmé la direction des Jets, « Patsyuk », ainsi qu’il est surnommé par ses amis, entend briser les clichés en se montrant le plus naturel possible face aux médias. Et la fausse modestie ne figure pas dans son attirail, n’en déplaise à certains. « Les gens qui me connaissent savent que je suis un bon gars ayant une grande confiance en lui, dans le bon sens. Je ne crois pas que cela soit une mauvaise chose », assène-t-il, déterminé et convaincu que cette approche sera pour lui un ferment du succès.
Winnipeg, piste d’envol idéale
Interrogé sur sa ville natale de Tampere, Patrik Laine l’évoque en ces termes : « Humide, froide et sombre ». De ce côté, il ne devrait donc pas être dépaysé à Winnipeg. Blague à part, la franchise canadienne apparaît comme un lieu d’épanouissement optimal pour le pur-sang scandinave, elle qui entretient un lien historique tout particulier avec le Vieux Continent. Dans les années 1970, les Jets se sont mués en précurseurs, bâtissant leur ossature autour d’un noyau dur issu d’Europe du Nord. Veli-Pekka Ketola a été le premier Finlandais à signer un contrat professionnel outre-Atlantique, Lars-Erik Sjoberg le premier capitaine européen d’une équipe nord-américaine et c’est un groupe gravitant autour de Bobby Hull et de huit joueurs scandinaves – chose complètement inédite pour l’époque ! – qui a décroché le titre WHA en 1976.
Vint ensuite Teemu Selanne dont l’image reste associée de près à la franchise avec, encore vivace dans les mémoires, sa saison rookie stratosphérique en 1993 gratinée de 76 buts (132 points au total), un record qui tient toujours. La communauté de Winnipeg est très attachée à cette tradition et tout est mis en œuvre afin que l’adaptation soit la plus aisée possible pour les Européens et leurs proches. Un argument supplémentaire pour favoriser l’éclosion de Patrik Laine, Éole porteur d’un vent frais qui pourrait rapidement virer en tornade prête à tout dévaster sur son passage.
Article paru dans le SlapshotMag n°83