Briançon, la fin d’une malédiction
Dans un POPB rempli pour l’occasion, les Diables rouges de Briançon ont enfin remporté un titre, en disposant en finale de la Coupe de France de Rouen (2-1 TAB).
On les croyait maudits. Incapables d’accrocher le moindre titre. Cette fatalité semblait encore s’accrocher aux basques des Diables Rouges hier, lorsque le palet était dégagé du patin, sur sa ligne, par un défenseur rouennais à trente secondes du terme, ou quand le tir de Sjösten ricochait sur la barre en prolongations. Et pourtant, la roue de la chance a enfin tourné, et choisi Briançon, qui remporte le premier trophée de son histoire, après sept finales perdues. Retour sur cette rencontre, historique pour le hockey briançonnais.
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Des étoiles sur la glace
Dans le jargon sportif, c’est-ce que l’on appelle communément un choc au sommet. Pour cette quatrième finale de Coupe de France organisée à Bercy, les amateurs de hockey ne pouvaient rêver plus belle affiche. Sur la glace, deux places fortes du hockey hexagonal : d’un côté, les Diables Rouges de Briançon, actuels leaders de la Ligue Magnus, vice-champions de France 2008 et 2009, finalistes de la Coupe de la Ligue ces deux dernières années. Toujours placés, jamais gagnants, les joueurs entraînés par Luciano Basile comptent bien sur cette finale pour accrocher enfin un titre, tant attendu par les supporters. De l’autre, les Dragons de Rouen, une véritable institution, le plus beau palmarès des vingt dernières années : neuf championnats, trois Coupes de France, et deux Coupes de la Ligue, une étagère de trophées qui vous classe une équipe. Les Normands, battus aux tirs aux buts à Briançon vendredi dernier en championnat, ont perdu le leadership, mais restent en embuscade, à un petit point des Diables.
Dans un Palais Omnisports de Paris-Bercy chauffé à blanc (13 200 spectateurs), l’atmosphère promet d’être électrique. Être couronné dans cette salle aura en effet, pour le vainqueur, une saveur éminemment particulière.
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Rouen premier à dégainer
Premières nouvelles, le capitaine slovène de Briançon, Edo Terglav, longtemps incertain en raison d’une blessure au genou, est bien présent sur la feuille de match. En face, la gardien de l’équipe de France, Fabrice Lhenry, qui vient d’effectuer son retour au jeu en Magnus la semaine dernière, débute sur le banc. Le Canadien Trevor Koenig est titularisé dans les cages des Dragons.
Le coup d’envoi est donné, et les joueurs de Briançon prennent immédiatement le jeu à leur compte. Une entrée en matière tonitruante qui leur permet de prendre à la gorge des Rouennais, qui semblent être surpris par cette entame de match. Au cours des deux premières minutes, les Diables Rouges parviennent à s’implanter en zone adverse, et à trois reprises ils sollicitent Koenig, le portier rouennais fermant bien la porte. Les Dragons parviennent à souffler à la troisième minute, bénéficiant d’un avantage numérique suite à une faute bête de Pépy en zone offensive. Le power play ne donne rien, et Briançon peut reprendre sa marche en avant une fois revenu à égalité sur la glace.
L’échec avant imposé gêne les sorties de zones rouennaises, les Dragons sont de nouveau pénalisés, et Koenig est obligé de sortir le grand jeu, en stoppant notamment un lancer puissant de Sjösten à la bleue. Quelques minutes plus tard, un cinglage de Seikkula permet à Rouen de respirer, et de mettre un peu de pression sur la cage de Sopko, peu inquiété jusque là. Mallette en angle fermé, puis Desrosiers devant le slot, ne sont pas loin de trouver l’ouverture, mais il manque toujours un noir et jaune pour pousser le palet au fond des cages.
Revigorés par cette bonne présence offensive, les Dragons trouvent enfin l’ouverture à la treizième minute, par l’intermédiaire de Luc Tardif, d’un tir du cercle droit à la réception d’une passe de derrière le but de Jonathan Zwikel. Un coup dur pour Briançon, qui semble accuser le coup au cours des minutes qui suivent.
Après avoir laissé passer l’orage, les Diables reprennent des couleurs, et se procurent deux grosses occasions : à la quinzième minute, Perez s’offre un break, mais rate le cadre, avant que Lindlöf manque lui aussi la cage en un contre un. A deux minutes de la fin, Briançon bénéficie d’une nouvelle supériorité numérique, mais bute sur un Koenig décidément inspiré en ce début de rencontre. Le premier tiers s’achève ainsi sur le score de 1-0 en faveur de Rouen.
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Les Diables réagissent
Au retour des vestiaires, ce sont les Rouennais, en confiance avec leur avantage au tableau d’affichage, qui mettent la pression. Desrosiers trouve Mallette pour un tir en tête de slot, parfaitement stoppé par Sopko. Les Briançonnais réagissent par l’intermédiaire de contres, profitant de sorties de zone rapides pour aller mettre en danger Koenig, toujours impérial. Le rythme monte d’un cran, le jeu va d’un but à l’autre, sans temps mort.
A la cinquième minute, un premier tournant se produit dans cette rencontre. Evoluant déjà à quatre contre cinq, Rouen est de nouveau pénalisé, suite à un retard de jeu commis par Eriksson. Pendant 1’17, Briançon bénéficie d’un double avantage numérique, occasion inespérée pour égaliser. Malgré une bonne installation en zone offensive, les Diables rouges ne trouvent pas la faille…
La tension monte d’un cran : Szelig et Tarantino sont envoyés en prison pour un début de bagarre à la septième minute.
On approche de la mi-match et les débats s’équilibrent. Jusqu’à une relance manquée de Sjösten à la bleue, interceptée par les Rouennais qui initient un deux contre un, superbement stoppé par Sopko qui étend sa jambière pour sauver son équipe. Les Dragons tentent de profiter des quelques moments de flottement dans la défense adverse, sans parvenir à aggraver la marque. Du côté de l’offensive des Diables, pas grand-chose à signaler, seuls quelques palets trainant devant la cage de Koenig sont facilement nettoyés par la défense. Mallette, puis Desrosiers, sont tout près de trouver l’ouverture, et Rouen semble avoir la maîtrise de la situation. C’est le moment choisi par Marc-André Bernier, à la réception d’une passe de Michaël Perez posté derrière la cage, pour égaliser, à deux minutes de la fin du deuxième tiers. Le match est totalement relancé, et l’on s’achemine vers une dernière période sous haute tension.
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Briançon à quelques centimètres du sacre
La pression est en effet palpable, des deux côtés, au commencement de cette troisième période. Virolainen est le premier à fauter lorsqu’il perd tout seul le palet dans sa zone, et récupère son action en faisant faute (accrochage). S’en suit une pénalité qui ne donne rien, les approximations des Diables les empêchant d’installer leur jeu de puissance.
Dans les minutes suivantes, Briançon hausse peu à peu le ton, et se montre plus tranchant. A la cinquième minute, un slapshot de Korenko n’est pas loin de trouver le cadre, à la huitième, Lindlöf esseulé sur la gauche croise trop son tir, avant qu’une belle combinaison entre Raux et Rohat ne soit stoppée par un Koenig irréprochable. Dans les tribunes, le stress commence également à monter. Devant les assauts répétés de ses protégés, le kop briançonnais donne de la voix. Cela ne suffit pour autant pas à forcer la décision.
A la quinzième minute, suite à un changement de ligne hasardeux de la part de Rouen, Lindlöf récupère le palet dans la neutre, et file seul au but, mais Koenig sort un nouvel arrêt de grande classe.
Durant les cinq dernières minutes, aucune des deux formations ne veut se découvrir, s’attelant à assurer leurs arrières. A 1’34 de la fin, Virolainen est de nouveau pénalisé après avoir chargé Chauvel pour empêcher un rebond devant son gardien. Une occasion en or s’offre aux Briançonnais pour tuer le match. Le jeu de puissance est mis en place, Koenig est sollicité mais ne flanche pas. A 40 secondes du terme, il est surpris par un tir, ralentit le palet, mais celui-ci file derrière la ligne… avant qu’Eriksson, dans un sauvetage désespéré, ne le dégage du patin ! Nous aurons donc le droit à une prolongation. A ce moment de la partie, on se dit que Briançon a bel et bien signé un pacte avec le diable…
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La prolongation ne choisit pas son vainqueur
Cinq minutes, pas une de plus, pour faire la différence, c’est le menu proposé aux deux adversaires. En supériorité, Briançon se jette à l’assaut du but de Koenig, qui ne flanche toujours pas. Bernier, bien décalé par Perez, manque sa reprise alors que la cage était en partie ouverte. La pénalité vient de se terminer quand Sjösten récupère un palet sur la droite, avant d’envoyer un missile qui heurte la transversale. Sur l’action suivante, Rouen met le feu devant la cage de Sopko, et dans la confusion, Korenko est sanctionné pour un faire trébucher. A quatre contre trois, les Dragons font le siège du but de Sopko, impérial et bien suppléé par ses défenseurs qui n’hésitent pas à se jeter sur chaque tentative adverse, à l’image de Groleau qui s’occupe bien de Desrosiers sur un rebond dangereux. Briançon tient le choc, et, à bout de souffle, obtient le droit de disputer une série de tirs aux buts qui s’annonce haletante.
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Terglav, ce héros
Les deux cerbères, héros du match jusqu’alors, se retrouvent opposés dans cette cruelle séance de pénalties. Thinel et Lindlöf, sans conviction, manquent leurs essais. Romand tente une jolie feinte, inspirée de Peter Forsberg, mais ne parvient pas à redresser la course du palet dans le but. Koenig ferme de justesse ses bottes devant Guenette. Carl Mallette se présente à son tour devant Sopko, qui réalise un arrêt parfait de la mitaine. Le palet de la gagne se retrouve dans la crosse du capitaine Edo Terglav, qui revient sur la glace, alors que l’on ne l’a plus vu depuis le premier tiers, sa douleur au genou s‘étant réveillé suite à un contact le long de la bande. Devant ses supporters, il ne flanche pas et donne la victoire aux siens. Tout un symbole. Les Diables rouges peuvent laisser exploser leur joie. Ils ont enfin vaincu le signe indien.
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Réactions
Edo Terglav, joueur de Briançon
« Pour moi c’est déjà beaucoup de joie ! Après être sorti au bout de dix minutes, je voulais aider mes coéquipiers à positiver, leur donner du courage. Sur la fusillade, Luciano a demandé qui voulait y aller, je lui ai dit : »je peux y aller, je peux patiner jusqu’au but ». Il n’était pas sur, mais il m’a dit : « vas-y, j’ai confiance en toi ». Et j’ai réussi à marquer. C’est une récompense après toutes les finales qu’on a perdues, on a mérité sur les 60 minutes, tout le monde a fait un excellent boulot, le gardien, les défenseurs, les attaquants, c’est vraiment spécial !
Si on regarde toutes les finales qu’on a faites, on a toujours perdu de peu, on a souvent manqué de chance. La différence aujourd’hui, c’est l’équipe, tout le monde y croyait, tirait dans le même sens. On a vu qu’on pouvait battre n’importe qui cette année, notre but désormais, c’est de finir le plus haut en saison régulière, pour aller le plus loin possible en play-offs. »
Pierre-François Guénette, joueur de Briançon
« On est très heureux, les gars la méritent tellement après plusieurs finales perdues, c’est une belle victoire d’équipe. Le mot d’ordre était de n’avoir aucun regret en partant d’ici. Le hockey est un sport qui se joue sur des centimètres, si ce n’est pas des millimètres. Il y a eu des hauts et des bas dans le match, on était menés, on avait la tête basse mais on a réussi à revenir, on a tout donné et ça s’est bien passé pour nous.
Edo était très triste, il était blessé, on voyait qu’il voulait cette finale. Luciano lui a demandé s’il voulait tirer à la fin, c’est un peu un scénario idéal, comme dans un film ! On est tous contents pour lui, c’est notre capitaine, un excellent gars dans le vestiaire comme sur la patinoire, ça devait être dur pour lui de regarder le match du banc, et il marque le but gagnant, c’est incroyable ! »
Jonathan Zwikel, joueur de Rouen
« C’était la première fois que j’étais sur la glace de Bercy, c’était un bon moment. Perdre aux pénalties ça n’a pas beaucoup de sens à mes yeux. Par contre ce est important pour moi, c’est que Rouen, qui a un passé d’équipe offensive, ne marque qu’un but ce soir. C’est ça qui pose problème sur ce match.
Quand vous avez 34 ans, vous ne savez pas si vous aller revivre des moments comme cela, c’est des moments spéciaux. J’avais juste envie de dire à mes copains qu’ils n’avaient pas à rougir, qu’ils s’étaient bien battus et qu’il ne fallait pas baisser la tête.
Je suis content pour mon petit frère [Luc Tardif Jr ndlr], ça me fait plaisir qu’il mette un beau but comme ça à Bercy. Le voir jouer comme ça des matchs de haut niveau, ça me fait encore plus plaisir que si c’était moi.
Puisqu’on me donne la parole, j’ai envie de dire quelque chose. Il y a cinq ans, avant que les gens qui s’occupent de la Fédération aujourd’hui n’arrivent, il ne se passait absolument rien, le hockey français était moribond. Quand on voit que la Fédération est capable d’organiser de tels événements aujourd’hui, il y a vraiment de quoi être fier. Luc Tardif [président de la Fédération, ndlr] se fait siffler à Méribel, pour moi c’est un scandale. Tout ça parce que les gens dans les clubs font des conneries. Ils se font taper sur les doigts par une commission qui ne dépend même pas de Luc Tardif. Ca me révolte, donc j’ai envie de dire aujourd’hui bravo à ces gens-là qui donnent de leur temps, qui sont bénévoles, pour que notre sport vive des moments comme ça. Merci à eux. »
Christian Pouget, entraîneur de Rouen
« Je ne suis pas trop mécontent de ce qu’on fait mes joueurs ce soir. L’adversité était énorme, avec une équipe de Briançon qui a donné tout ce qu’elle avait. Le sport est ainsi fait, ça aurait pu pencher d’un côté comme de l’autre, il fallait un vainqueur, le sort à choisi Briançon.
En championnat, il y a une énorme compétition entre Briançon, Angers et nous-mêmes. C’est très ouvert, pour une fois, je trouve que c’est pas mal. On va se concentrer sur cet objectif, on va avoir beaucoup moins de matchs à jouer, et après une pause, on va repartir à fond pour les play-offs.
On paye un peu tous les efforts fournis ces deux derniers mois. Il y a toujours un décalage entre le ressenti de la fatigue et l’effort qu’on fourni. Justement, le break à venir nous fera le plus grand bien. Au bout d’un moment, le manque de lucidité se fait sentir et on a besoin de se reposer. Au sujet de l’efficacité offensive, c’est vrai qu’on rate ces derniers temps beaucoup d’occasions, ce sont des petits détails à régler, qui font que ça ne pourra aller que mieux pour la suite du championnat. »
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Fiche de match
Rouen – Briançon 1-2 aux t.a.b (1-0, 0-1, 0-0, 0-0, 0-1) / 0-1
Dimanche 31 janvier 2010 à 20h30 au Palais Omnisports de Paris-Bercy. 13359 spectateurs.
Arbitrage d’A. Bourreau et N. Barbez assistés d’E. Bouguin et P. Dehaen.
Pénalités : Rouen 16′ (6′, 6′, 4′, 0′), Briançon 12′ (6′, 4′, 0′, 2′).
Buts :
1-0 à 13′11″ : Tardif assisté de Zwikel
1-1 à 38′05″ : Bernier assisté de Guénette et Groleau
Tirs aux buts :
Rouen : Thinel (arrêté), Romand (à côté), Mallette (arrêté)
Briançon : Lindlöf (arrêté), Guénette (arrêté), Terglav (réussi)
Rouen
Gardien : Trevor Koenig.
Défenseurs : Petri Virolainen – Magnus Eriksson ; Daniel Carlsson – Daniel Babka ; David Holmqvist – Cédric Custosse
Attaquants : Julien Desrosiers – Carl Mallette (C) – Lionel Tarantino ; Jérémie Romand – Éric Doucet (A) – Marc-André Thinel ; Luc Tardif Jr – Jonathan Zwikel (A) – Ilpo Salmivirta.
Remplaçants : Fabrice Lhenry (G), Alexandre Mulle, Loïc Lampérier, Anthony Rech. Absent : Kai Öhberg (gastro)
Briançon
Gardien : Ramon Sopko.
Défenseurs : François Groleau – Gary Lévèque (A) ; Sebastian Sjösten – Michal Korenko ; Stéphane Gervais (A) – Viktor Szélig ; Maks Selan.
Attaquants : Mickaël Perez – François-Pierre Guénette – Marc-André Bernier ; Joni Lindlöf – Timo Seikkula – Quentin Pépy ; Brice Chauvel – Damien Raux – Sébastien Rohat ; Edo Terglav (C) – [Seikkula] – Peter Bourgaut.
Remplaçants : Aurélien Bertrand (G), Mathieu Reverdin.
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Crédits photos : rhe76.com, Caroline Landré, hockeyarchives.com
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